Le droit de préemption urbain
Un site sur le droit de préemption urbain par Christophe BUFFET Avocat spécialiste en droit public
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Cet arrêt concerne le cas d'une décision de préemption attaquée devant le juge administratif par un adjudicataire évincé qui contestait cette préemption des années après, et alors qu'il n'avait pas reçu notification de cette décision avec indication des délais de recours.
La juridiction juge que le délai à prendre en compte est de un an à compter du jour où le requérant a eu connaissance de cette décision. "M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 2 juin 1999, par laquelle le maire de la COMMUNE DE BONNEUIL-EN-FRANCE a décidé de préempter un immeuble situé Le Pont Yblon, 6 route des Flandres et 1, rue Sainte Cécile (lots 3 et 4), d'annuler la délibération du 2 juin 1999 par laquelle le conseil municipal de Bonneuil-en-France a délégué le droit de préemption au maire et d'enjoindre à la commune de lui proposer d'acquérir le bien au prix de 44 207 euros, diminué des dépenses qu'il devra exposer pour remettre le bien en état, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1310139 du 10 mars 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération du conseil municipal et la décision du maire de Bonneuil-en-France du 2 juin 1999 et enjoint à la COMMUNE DE BONNEUIL-EN-FRANCE de s'abstenir de revendre à un tiers le bien en litige et de proposer à l'acquéreur évincé, et ce à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties, les conditions de l'adjudication à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 7 mai 2015, la COMMUNE DE BONNEUIL-EN-FRANCE, prise en la personne de son maire, représentée par Me Le Nair-Bouyer, avocat, demande à la Cour : 1° d'annuler ce jugement ; 2° de rejeter la demande de M. B...et subsidiairement de ne pas assortir l'arrêt à intervenir d'une injonction ; 3° de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La COMMUNE DE BONNEUIL-EN-FRANCE soutient que : - la demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal du 2 juin 1999 était irrecevable car tardive, la délibération a été affichée dès le 3 juin 1999 et transmise au représentant de l'État le 4 juin 1999 ; - la demande tendant à l'annulation de la décision de préemption était irrecevable car tardive, cette décision a été notifiée à M. B...par le greffe du tribunal de grande instance de Pontoise, et en tout état de cause, M. B...a manifesté la connaissance acquise de cette décision par un courrier qu'il a adressé à la commune le 2 janvier 2007 ; - l'avis du service des domaines n'était pas requis par l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme pour une vente par adjudication qui ne prévoit pas de déclaration d'intention d'aliéner et dont le prix est celui de la dernière enchère au tribunal ; - en 1999 l'acquisition par voie de préemption était permise pour la commune par les articles L. 213-1, R. 213-14 et R. 213-15 du code de l'urbanisme au prix de la dernière enchère, par substitution à l'adjudicataire ; - la commune justifie de la réalité d'un projet d'aménagement ; - à titre subsidiaire, une rétrocession des terrains préemptés à M. B...serait de nature à constituer une atteinte excessive à l'intérêt général appréciée au regard de l'ensemble des intérêts en présence. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - la décision du Conseil d'Etat n° 387763 du 13 juillet 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Geffroy, premier conseiller, - les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public, - et les observations de Me Le Nair-Bouyer, pour la COMMUNE DE BONNEUIL-EN-FRANCE. Une note en délibéré présentée par MeA..., pour M. C...B..., a été enregistrée le 16 septembre 2016. 1. Considérant que la COMMUNE DE BONNEUIL-EN-FRANCE relève régulièrement appel du jugement du 10 mars 2015, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, sur la demande de M.B..., annulé la délibération du conseil municipal et la décision du maire de Bonneuil-en-France du 2 juin 1999 par laquelle le maire de la commune a décidé de préempter un immeuble situé 6 route des Flandres et 1, rue Sainte Cécile (lots 3 et 4), et lui a enjoint de s'abstenir de revendre à un tiers le bien en litige et de le proposer à M. B... à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties, les conditions de l'adjudication à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ; En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la COMMUNE DE BONNEUIL-EN-FRANCE à la demande de première instance : 2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur à la date de la préemption litigieuse dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ; que, toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale, et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ; 3. Considérant que la règle énoncée ci-dessus, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs ; qu'il appartient dès lors, au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance ; 4. Considérant que la COMMUNE DE BONNEUIL-EN-FRANCE ne rapporte pas la preuve que M.B..., adjudicataire évincé, aurait reçu notification de la décision de préemption du 2 juin 1999 avec mention des voies et délais de recours ; que si, par suite, le délai de deux mois alors fixé par l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne lui était pas opposable, il ressort des pièces du dossier que le greffier du greffe des criées du Tribunal de grande instance de Cergy-Pontoise a adressé, le 4 juin 1999, deux courriers à la SCP d'avocats représentant M. B...et à M. B...lui-même, notifiant le droit de préemption exercé par " la mairie de Bonneuil-en-France " à la suite de l'adjudication en date du 6 mai 1999, accompagnés d'une copie de la déclaration de préemption ; qu'à supposer même, ainsi que le soutient M.B..., que la déclaration de préemption n'était pas jointe ou que ces courriers n'ont pas atteint leurs destinataires, M.B..., en tant qu'adjudicataire évincé, avait cependant connaissance de ce qu'une préemption avait fait échec à l'adjudication ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances particulières auraient fait obstacle à ce que M. B... s'informe des voies et délais de recours aux fins d'exercer, dans un délai raisonnable, un recours contentieux contre les décisions précitées prises par le conseil municipal et le maire ; que, par suite, il résulte de ce qui précède, que le recours dont M. B...a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise plus de quatorze ans après la date à laquelle il est établi qu'il a eu connaissance de ce que la préemption par la COMMUNE DE BONNEUIL-EN-FRANCE faisait échec à l'adjudication, excédait le délai raisonnable durant lequel il pouvait être exercé ; que sa demande devait, en conséquence, être rejetée comme tardive ; 5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE BONNEUIL-EN-FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal de Cergy-Pontoise a annulé la délibération du conseil municipal et la décision du maire de Bonneuil-en-France du 2 juin 1999 ; Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 1310139 du 10 mars 2015 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé. Article 2 : La demande et les conclusions d'appel présentées par M. B...sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE BONNEUIL-EN-FRANCE est rejeté." La section commentaire est fermée.
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